Table-ronde, un compte-rendu

Publié le par Nathalie Leroy Mandart pour l'UPL



Quelle économie pour sauver le monde ? Quel monde ?

Positionnement du débat :
Ernest Winstein présente le canevas proposé aux intervenants de la table ronde :
« Quelle terre voulons nous construire, dans quel monde voudrions-nous vivre ? que voulons-nous laisser à nos descendants, en vertu de quelles valeurs ? Comment appréhender la mondialisation ? Est-elle gérable ? Quelles sont les conditions de fonctionnement de cette mondialisation qui permettent d'assurer un statut décent à tous les humains?  Peut-on, doit-on intervenir pour imposer un minimum de règles de fonctionnement? L’évolution démographique peut-elle et doit–t-elle être contrôlée ?
Quelle place accordons-nous au point de vue des gens du "Sud" ? Quelle Europe permet une économie efficace, non dépendante, plus juste… »

Le problème énergétique.
Daniel Riot apporte son témoignage sur Tchernobyl dont il avait visité le site de la zone interdite récemment, situant les clefs de nos choix dans l’information et les désinformations. La question qu’il pose aux politiques présents : «  L’accident de Tchernobyl et la gestion de ses conséquences est la conjonction de trois secrets : le secret d’état, le secret industriel et le secret idéologique… Quelle terre voulons-nous ? »
Hugues Stoeckel parle de «  l’impérieuse nécessitée d’une reprise en main démocratique », comment les responsables élus, avant les débats démocratiques peuvent-ils s’assurer d’une première information ? » Il explique que l’opacité en matière d’information est un obstacle à la prise de conscience de l’urgence des problèmes engendrés par l’exploitation effrénée de ressources fossiles tel le pétrole.
Catherine Trautmann enrichi ce propos en considérant que la date du « pic » (date de non-retour sur la courbe exponentielle d’exploitation du pétrole)  est proche, elle questionne pour savoir si « nous sommes prêts à repenser notre mode de vie ». Il ne s’agit pas uniquement du débat des politiques pour opter sur des choix géostratégiques mais bien d’une volonté qui doit d’abord advenir de notre changement de comportement et reconsidération du problème énergétique. Le débat doit être alimenté par une information complète et doit être public. La prise de conscience de ces enjeux est inégale selon les pays. Les USA ont opté pour des choix qui  ressemblent à une fuite en avant sans autre intérêt que leur propre confort… La Suède décide de commencer le sevrage en fioul dés à présent pour arriver à une consommation zéro dans 20 ans.
Marc Reymann expose le fait que les grands groupes de fabricants automobile travaillent sur le sujet des économies d’énergie mais il s’agit d’un processus lent. Une intervenante dans la salle lui rappelle l’urgence de la situation. Des déductions fiscales affiliées aux énergies de substitution (bio-carburant) existent mais elles ne concernent pas «  monsieur tout le monde »  ou dans des proportions qui n’encouragent pas assez les modes de chauffage, par exemple, alternatifs.
Daniel Riot questionne sur les priorités à dégager dans les mesures de favorisation d’aide à l’alternative. Stoeckel rappelle que, certes les politiques n’ont pas tout pouvoir mais qu’il ne faudrait pas non plus laisser les reines libres aux grosses sociétés dont les intérêts ne convergent pas nécessairement avec « l’intérêt général »  et qui privilégient les intérêts de leurs compagnies. Dans certains cas le remplacement du pétrole est impossible ou peu réaliste, explique Stoeckel qui cite le carburant pour les avions, les applications en pétrochimie…

Le débat de la fiscalité face à la mondialisation.
Un intervenant pose la question de la « taxe sociale » qui pénalise les échanges à l’export et déséquilibre les rapports commerciaux entre pays avec une haute plus value des charges sociales et ceux dont les charges sociales sont plus réduites. En cet exemple ; le problème de la mondialisation et des délocalisations du travail comme des rapports nord- sud ou Occident-Orient sont abordés.
« TVA sociale ou pas ? ».
Le problème des interdépendances, en ce qui concerne les options énergétiques, économiques et commerciaux est à débattre entre les nations, et même en Europe en ce qui concerne les cohérences des choix faits. «  le citoyen doit dire très fort que ce n’est pas uniquement en tant que consommateur de produits énergétiques qu’il doit être considéré, mais c’est aussi en tant que consommateur qu’il doit se prononcer en amont du débat politique » ponctue Catherine Trautmann.
Mr Reymann précise que le sujet de la TVA sociale divise les opinions parce que pénalisant à l’importation, le consommateur choisissant toujours le produit le moins cher, pour le moment, cette option n’emporte pas le succès escompté.

Un intervenant dans la salle relance le débat sur les conséquences de l’accident de Thernobyl. Médicalement, il semble que l’on soit encore en période d’analyse et d’observation. Il enchaîne sur les solutions de remplacements des carburants, l’hydrogène ? Des projets existent, n’est-ce pas aux politiques de soutenir ces actions de recherche afin de contrer les entreprises automobiles qui ne se décident pas à prendre des risques à cause de leurs soucis de suivre le marché à court terme ?
Hugues Stoecker rappelle qu’il n’y a pas de solutions miracles mais bien une combinaison de solutions. La première attitude à adopter est «  l’apprentissage de la sobriété », et aborde le concept de décroissance : « La question de la décroissance n’est pas de se demander si elle doit avoir lieu ou pas - elle aura lieu - mais bien : de quelle façon doit-elle avoir lieu ? De façon anticipée, consciente , organisée ? Ou doit-elle arriver soudainement et être vécue de façon subie… et donc chaotique ? Voilà l’enjeu à débattre ».

Les politiques et les industries.
Un intervenant fait remarquer que les dispositions légales concernant le droit européen sont inégalement appliquées dans les pays de l’union en citant l’exemple de la France « mauvais élève en ce qui concerne, notamment l’environnement et néanmoins pays moteur ». Catherine Trautmann évoque le mode de fonctionnement procédurier spécifique à la France. «  Il y a un problème d’efficacité de l’Etat ». Problème de calendrier politique, de blocage délibéré, d’incompréhension des enjeux… La préservation des intérêts nationaux passe d’abord et avant les prérogatives de l’Europe. «  Ce qui pourrait nous demander un certain effort… vrai sur le plan financier, sur les points de vues environnementaux… ». «De nouvelles filières industrielles pourraient être crées, soutenues par l’effort de plusieurs pays, ou en fonction de ce qui existe, ou même à blanc dans l’intérêt commun… » Il faut « empêcher qu’un état puisse imposer sa puissance politique grâce à ses outils industriels. Aujourd’hui un, deux, trois pays peuvent se recréer une domination politique au travers d’entreprises, même en grande partie privatisées. Il s’agit d’un enjeu de pouvoir. Si les politiques ne sont pas clairs dans leurs démarches, ils seront dépassés par les grandes multinationale qui ont déjà beaucoup plus de poids que tous les politiques réunis et les nations unies. »

De l’information et de la compréhension pour faire des choix conscients.
Hugues Stoecker parle des profits engendrés par les grands groupes tel Total - qui ne développe que son profit répondant á la pression de ses actionnaires qui sont les fonds américains de pensions…
Daniel Riot rappelle le canevas de cette rencontre «  Sur quelles valeurs se fonde-t-on ? »
Michel Weckel, au travers de son témoignage d’accueil au sein de la CIMADE constate qu’une énergie émerge qui est celle du désespoir… Il parle d’état apocalyptique qui est celui dans lequel nous nous trouvons dès à présent. Le débat qui est le nôtre est « celui des nantis qui s’interrogent sur leur avenir alors que l’immense majorité des êtres humains qui peuplent notre planète aujourd’hui n’ont même pas à se poser ces questions parce qu’ils n’ont pas atteint le même niveau de croissance que le nôtre… Que produirait notre modèle de développement occidental en terme de ravages environnementaux si les autres habitants de la planète aspiraient à vivre comme nous ? »
Catherine Trautmann rebondit sur la notion de co-développement.  Rappelle « l’enjeu qu’est celui du développement en termes d’accès à la culture, accès à l’éducation c’est-à-dire aussi d’un accès à la démocratie. » Parmi les ressources dont nous disposons, elle citera l’eau, la santé, l’énergie mais aussi la connaissance. Elle conclura par cet appel :
« Il faut arriver à construire – sur le modèle politique européen, un ensemble qui garantie la paix. La paix aussi est une ressource, un bien public. (…) Le débat est ici bien pessimiste, pourtant j’ai espoir, après avoir vu se créer une opinion mondiale contre la guerre en Irak, que ces réactions puissent amener à une nouvelle forme de démocratie en ce qui concerne les enjeux de la santé, de l’énergie, de l’information et prenne en compte l’humain et pas seulement des enjeux financiers. Il nous faut à la base un choix et un seul, c’est celui du respect de l’autre».

Nathalie Leroy Mandart
Rapport de réunion-table ronde du colloque du 18 Mars 2006.


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