Colloque "Eglises Protestantes d'Alsace-Lorraine. Fondements. Actualité. Devenir."

Publié le par l'UPL

Le samedi 20 novembre 2010,  a eu lieu le :

Colloque "Eglises Protestantes d'Alsace-Lorraine. Fondements. Actualité. Devenir."

Le colloque organisé par l'Union Protestante Libérale qui s'est tenu au Ciarus à Strasbourg a permis d'aborder l'actualité du statut légal des Eglises d'Alsace et de Moselle ainsi que celui de l'enseignement religieux dans les trois départements de l'Est sous différents angles. Nous publions les textes des interventions au fur et à mesure qu'ils nous parviennent.

 Les Articles Organiques régissant les cultes protestants sont restés en vigueur en Alsace et en Moselle après 1918. Réalité anachronique dans la France laïque qui avait décidé la séparation des Eglises et de l‘Etat en 1905 ? Quelle laïcité est-elle possible, Les Eglises risquent-elles de migrer de la sphère publique vers l’espace privé ? Pour assurer quelle présence?

Introduction : Présentation succincte du statut légal des Eglises protestantes d'Alsace et de Moselle. Références théologiques. Par Ernest WINSTEIN, Président de l'UPL.

Le statut juridique des cultes en Alsace et en Moselle

Alors qu'en France hors Alsace et Moselle, les religions vivent sous le régime de séparation d'avec l'Etat, établi par la loi du 9 décembre 1905 (modifiée et complétée par les lois de 1907 et 1908), le statut des religions en Alsace reste essentiellement défini par la législation mise en place à l'instigation de Napoléon au début du XIXè siècle. Les religions sont reconnues, leur organisation et leur fonctionnement définis par l'Etat, qui exerce un droit de tutelle et prévoie la rémunération des ministres du culte.
La convention du 26 messidor an IX, ou Concordat, passée entre le gouvernement français et le pape, mais aussi la loi du 18 germinal an X et le décret de 1809 relatifs aux fabriques d'églises règlent le fonctionnement du culte catholique.
Les cultes protestants sont régis par les Articles organiques de la loi du 18 germinal an X et le décret du 26 mars 1852. Cette législation a été modifiée, à l'époque allemande, par une loi (allemande) du 15 novembre 1909 relative aux traitements et pensions des ministres du culte, leurs veuves et orphelins, une ordonnance et un règlement ministériel de 1910.
Le culte israélite est régi par le " règlement " du 10 décembre 1806, rendu exécutoire par un décret impérial du 17 mars 1808 et l'ordonnance royale du 25 mai 1844.

Ni l'annexion de 1871, ni le retour à la France n'ont modifié les principes essentiels établis du début du XIXè siècle.
En 1918 le statut quo s'est imposé sans problèmes. La loi du 1er juin 1924 dispose que la législation locale sur les cultes continue de s'appliquer. Les textes abrogés en 1940 sont rétablis par l'ordonnance de 15 septembre en 1944.

Entre temps sont venus s'ajouter des décrets modifiant ou précisant certaines modalités :
En 1948 : sur le classement hiérarchique des grades et emplois.
Le décret de 1987 concerne la formation des conseils presbytéraux et des consistoires. 
Le décret de 1992 concerne le fonctionnement des conseils, la procédure de nomination du pasteur e.a. .
Enfin le décret créant l'Union des Eglises Protestantes d'Alsace et de Moselle, institutionnalise essentiellement le fonctionnement des services des Eglises protestantes, et donne pouvoir au Conseil de l'UEPAL en matière de nomination des pasteurs.

E.W.

 

Conférence de Jacques Fortier, Journaliste aux DNA : Le statut légal des Eglises en Alsace et en Moselle. Etat des lieux.(Texte en attente).

Table-ronde sur l'actualité du statut légal. Avec Jacques FORTIER, Eric SANDER, Secrétaire général de l'Institut du Droit Local (Le statut scolaire d'Alsace et de Moselle), Jean-Marc MEYER, Responsable du Service de la Catéchèse de l'UEPAL (La catéchèse protestante), Jean-Maurice SALEN, médecin (La religion face aux principes laïques), Ernest WINSTEIN (Les Eglises protestantes, modèles de démocratie?).

L'enseignement religieux à l'école en Alsace et en Moselle. Introduction à la table ronde par Jean-Marc Meyer, responsable du service de la catéchèse de l'UEPAL

A l'exception des 3 départements de l'est, il n'y a pas d'enseignement religieux à l'école en France. C'est une exception française. Et à l'inverse, la France, avec la séparation de l'État et de l'Église, le principe de laïcité et son statut scolaire où la religion n'est pas enseignée en classe fait exception en Europe. De part leur histoire mouvementée, ces 3 départements bénéficient d'un statut particulier sur le territoire français.

L'enseignement religieux trouve sa place au sein de l'école de la république, de la première année de l'école primaire à la terminale. Cette heure est obligatoire, mais donne aux parents la possibilité d'en demander la dispense pour leurs enfants. La liberté de conscience est donc respectée. Les textes de référence ne sont pas les articles organiques, mais la loi Falloux de 1850. Des ordonnances de l'époque allemande (1873,1887) ont été reprises par la loi du 1er juin 1924. 
Seuls les cultes reconnus - l'Eglise catholique sous Concordat, le consistoire israélite, l'Eglise Réformée d' Alsace et de Lorraine et l'Eglise de la confession d'Augsbourg bénéficiant des articles organiques - sont concernées par la possibilité de dispenser un cours de religion. 
Les autorités académiques et les chefs d'établissement mettent en place la structure et nomment les enseignants sur proposition des autorités religieuses. Ce sont les Églises qui définissent le programme et mettent en place les contenus. A chaque modification importante, ils sont présentés aux autorités académiques. Ce sont aussi les Eglises qui garantissent la formation des personnels. Pour la partie théologique et théorique, elle est assurée par la faculté de théologie protestante de l'université de Strasbourg. Le volet pédagogique et pratique est pris en charge par le service de la catéchèse de l'Uepal.

Depuis plus de 30 ans, les Églises protestantes ont mis en place une double démarche :
" Une pour les paroisses : une catéchèse centrée sur l'éveil à la foi, où sont abordé des thèmes doctrinaux et et ecclésiaux. Le vécu - en particulier cultuel - et le partage de la foi sont au centre de cette catéchèse.
" Une autre pour l'enseignement religieux au sein de l'école de la République. Elle est de l'ordre de la culture religieuse respectant ainsi le principe de laïcité : respect du " croire " de chacun, de ce fait un apport non négligeable à ce qu'on nomme le " vivre-ensemble ". C'est clairement une approche protestante, sans prosélytisme. Nous distinguons 4 dominantes dans notre enseignement : culturelle, biblique, interconfessionnelle et interreligieuse, existentielle et éthique.

Enseignement de culture religieuse : une démarche spécifiquement protestante
" Promouvoir une culture religieuse signifie rejoindre l'enfant et l'adolescent dans son vécu personnel et social, afin d'ouvrir un lieu de parole et une possibilité de motivation des élèves. Il s'agit d'aller plus loin qu'une présentation uniquement rationnelle de la religion et de :
permettre la prise en compte des questions existentielles des élèves
mettre patiemment à jour les traces religieuses présentes dans les cultures
tenir compte de leur influence jusqu'à nos jours dans les choix que des personnes vivantes sont amenées à faire. "

L'enseignant n'est pas un historien, ni un dogmaticien. Il est témoin, mais sans prosélytisme et dans le respect de la diversité des croyances.

L'enseignement religieux, tel que nous le concevons est une chance pour :
1. les enfants et les jeunes
Il leur permet de prendre conscience des repères essentiels de leur environnement socioculturel et religieux. Les questions éthiques sont également abordées et traitées dans le respect des convictions de chacun.
2. les parents et les familles
L'enseignement de culture religieuse doit permettre aux jeunes de comprendre les origines, l'histoire et le présent de différentes religions ( la leur, celle des autres et en particulier celle de leur voisin). Il s'agit donc d'un enseignement ouvert au pluralisme religieux. 
3. la société : 
Cet enseignement permet de mieux connaître et de mieux comprendre les autres. Participe à l'apprentissage de la vie en société : respect, tolérance, " vivre ensemble ". Outre cet aspect qui participe à la socialisation des enfants, celui de l'apprentissage de l'autonomie et donc du discernement éclairé n'est pas moins essentiel dans notre société.
4. l'Église :
Il permet que les élèves aient des bases bibliques, historiques sur lesquelles les catéchètes et pasteurs peuvent s'appuyer dans les rencontres d'éveil à la foi (club biblique, catéchisme).

Deux formes particulières de l'enseignement religieux à l'école :
- le cours interconfessionnel en primaire : Eglise catholique (évêché de Strasbourg) et Uepal, là où cela à du sens, peuvent demander de pouvoir assurer les cours en commun. Les autorités académiques ont donné leur autorisation. Cela fait plus de trente ans qu'ils existent. Cette forme est bien plus exigeante pour les enseignants, car cela implique de se mettre d'accord sur les contenus et la manière de travailler, nécessitant par conséquent des rencontres d'échanges et de formation communes.
- L'Eveil Culturel et Religieux en lycées est beaucoup plus récent. Après quelques expérimentations conduites ici et là dans l'Académie de Strasbourg, la possibilité en a été offerte aux établissements du second degré. Les conseils d'administration et les proviseurs des lycées en font la demande. Ce sont alors des enseignants, protestants ou catholiques, qui assurent cette heure pour tous les élèves. Certains lycées, pour ne pas se mettre en porte-à-faux avec le principe de la liberté de conscience offrent la possibilité d'une dispense après deux mois. Dans d'autres établissements, ces cours s'inscrivent pleinement dans le projet d'établissement et sont dispensés à tous les élèves. Les deux axes principaux tournant alors autour de la connaissance des différentes religions (principalement monothéistes) et des questions éthiques et existentielles. En bref, des éléments qui favorisent le vivre-ensemble.

Absence à ce jour de l'enseignement de la religion musulmane à l'école. Les autorités catholique, protestante et israélite le regrettent. A ce jour, le débat tourne essentiellement autour de la question de la formation universitaire des enseigants.

Quelques enjeux 
1. Pendant près de 30 ans, j'ai beaucoup travaillé avec des ados et pas uniquement dans un contexte ecclésial, mais aussi dans la mouvance de " l'éducation populaire " (Comité Régional des Associations de la Jeunesse et de l'Éducation Populaire, CPCV-organisme protestant de formation, Association pour la Promotion des Métiers du Sport et de l'Animation d'Alsace qui a créée un Centre de Formation d'Apprentis). Je note que beaucoup de jeunes, quel que soit leur origine, leur culture, le système de croyances auxquels ils se réfèrent ont des attentes fortes quant à la religion : apprendre à mieux connaître les références religieuses de l'autre (et parfois même les siens), la manière dont aujourd'hui chacun vit sa foi. De ce fait, le système mis en place suite au rapport de Régis Debray en 2000, à savoir l'enseignement du fait religieux ne les satisfait pas. " C'est trop historique " disent-ils de manière assez unanime, cela ne nous apprend rien sur la manière de vivre de l'autre. Il y a là, réellement manière à réflexion tant pour les responsables éducatifs que pour les responsables des Églises. Je note aussi au passage, mais sans le développer que dans de nombreux pays européen et en particulier au Québec, la question se pose de la même manière et l'on y réfléchit; ici et là des expérimentations sont conduites.
2. Ne pourrait-on pas envisager des cours de sciences religieuses pour tous. Il me semble qu'avec la volonté de touts - rectorats, Églises - cela devrait être possible et contribuerait réellement à lever le voile sur l'ignorance et l'obscurantisme ambiants, contribuerait à la compréhension des phénomènes religieux (fondements, rites, éthique) et donc participerait grandement au respect des différentes traditions religieuses pour un mieux-vivre ensemble.

J.-M. M.


 

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