Le film « Jesus camp »

Publié le par Nathalie Leroy-Mandart pour l'UPL

Le film « Jesus camp »
Une analyse des méthodes critiquables des « évangéliques » américains


L’affiche en dit long : le visage expressif, les yeux brouillés de larmes d’une enfant d’environ sept ans, les mains jointes levées vers le ciel…
Il s’agit d’un film – nominé aux oscars du meilleur documentaire 2007 – qui explique la montée en puissance de gens qui, selon leurs mots, veulent « reprendre le pouvoir en Amérique au nom du Christ ». Ces gens se disent « évangéliques », refusent – pour la plupart – d’envoyer leurs enfants à l’école pour qu’ils n’y apprennent pas l’histoire et la science dont ils contestent les principes dans leur fondement. Ils sont créationnistes, c’est-à-dire qu’ils refusent la théorie de l’évolution des espèces et s’en tiennent à la version lue littéralement de la bible. Ils sont sceptiques sur l’état d’urgence créé par le réchauffement de la planète et contestent les chiffres généralement
admis. Ils disent agir « au nom de Dieu » et cela leur donne tous les pouvoirs.

Quakers marginaux ? Héritiers de la « moral society » qui sema la terreur et la suspicion au début du siècle dernier ?
- Le commentaire annonce les chiffres en insert : 80 millions d’évangéliques sur le territoire des Etats-Unis se réclament de ce courant de pensée et de leurs pratiques, ils représentent actuellement environ 25% des habitants des États-Unis.
Becky Fischer, pasteure pentecôtiste chargée de la jeunesse évangélique est un des personnages
phare de ce reportage. Nous la voyons décortiquer – telle une « coach » les vidéos prises de ces journées de camp organisées pour les enfants - et leurs parents s’ils le souhaitent – et commenter, exaltée « que les palestiniens, les musulmans ne font pas mieux en organisant des camps de lavage d’esprit et formation à la lutte armée ». Les enfants, dit-elle, représentent un tiers de la force évangélique du monde et ils en sont le potentiel le plus riche. Ses yeux brillent et font peur quand elle parle de cette « nouvelle génération ». Ils ont sept à neuf ans, ces enfants ainsi ciblés, l’âge idéal pour marquer leurs esprits en formation… à jamais.

Potentiel, force, armée, camp, … Où est Jésus?
- Il sert de prétexte, d’idole dont est évoqué
le retour, dont le message est interprété littéralement. Tout est rapporté à sa personne, on l’invoque pour maintenir l’électricité en place pendant un orage, pour qu’une présentation par ordinateur ne cafouille pas…

Sont-ils stupides ?
- Non, ils sont extrêmement croyants. Et c’est sur cette force de croyance qu’ils s’appuient n’acceptant aucune contradiction.
Parallèlement, le documentaire met en surbrillance la vie politique ambiante, explique que le président Bush – adulé par ces évangéliques – trame pour mettre en place le remplacement du juge de la cour suprême, un modéré, et proposer Samuel Alito qui s’avère être un défenseur farouche
du droit à la vie (de la l’association LIFE) et se prépare à abolir le droit à l’avortement vieux de 32 ans dans certains Etats…
D’un côté la manipulation de centaines d’enfants des états les plus riches du monde, sous forme de culpabilisation et instructions erronées à outrance.
De l’autre les tractations les plus honteusement anti-démocratiques, bafouant les principes de l’histoire et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, déniant toute considération pour les autres religions, sarcastiques etméprisantes vis-à-vis des autres confessions chrétiennes (et en ceci le libéralisme est leur première cible).
Des enfants sont pris en otage et embrigadés, il n’en était pas autrement de la jeunesse hitlérienne…

Mise en place d’un rejet de la démocratie ?
- La religion sert d’arme politique afin d’asseoir des principes moraux décadents et qui ne prennent pas en compte la liberté de chacun. La politique, comme la religion quand elles ne peuvent donner des réponses claires à des problèmes compliqués laissent la place aux extrémistes.
Dans son éditorial du journal Evangile & Liberté du mois de mai, Laurent Gagnebin rapporte l’exigence que nous avons « pour nos connaissances professionnelles, la compétence de nos dirigeants, pour la qualité des oeuvres culturelles », et que, par ailleurs, nous nous complaisons dans la légèreté en matière de foi, nous contentant – sous couvert d’humilité devant les croyances d’autrui et de paresse intellectuelle – d’acquiescer parfois à des principes abscons. Il est vrai qu’il est plus facile d’affirmer croire et de balayer d’un revers de la main les questions impertinentes en affirmant « qu’il suffit d’avoir la foi » que d’expliquer, de s’expliquer sans cesse ce que veut dire « avoir la foi ».

Avoir la foi en quoi ? Croire en quoi ?
Ne pas pouvoir le préciser, en parler ouvertement en toute conscience et liberté nous asservit à d’autres, plus vindicatifs, qui s’engagent déjà en notre nom !
- Puisqu’ils se donnent pour mission d’agir au nom de Dieu.
- Puisqu’ils revendiquent avoir la vérité.
- Puisque leurs membres sont en nombre
croissant et qu’ils tiennent tous le même langage uniformisé.
La persuasion par la force gagne du terrain sur le débat de nos convictions.

Chacun a le droit d’exprimer et de vivre sa foi comme il l’entend dans le respect d’autrui et plus particulièrement de celui qui pense différemment.
Si ceux-ci n’avaient pas l’ambition de régir le monde selon leur point de vue et uniquement celui-là, il n’y aurait rien à redire de leur extrémisme.
Mais nous sommes tous enfants de Dieu et nul ne peut décider à notre place de la part de notre engagement ni de sa validité. Nul n’a le droit par la force du nombre, nul n’a le droit en imposant ses valeurs sous couvert de la foi car le droit est dans le partage de valeurs communes. Nul n’a le droit de se prévaloir d’agir sur et pour d’autres au nom de Dieu – et de juger que sa perception nous en serait la même, que sa connaissance nous serait complète.
Nous sommes tous partie prenante du projet de Dieu, qui que nous soyons et quoi que nous croyions et ceci de manière égale et unique et non de manière égalisée, uniformisée… et imposée.

Nathalie Leroy-Mandart pour l'AMI 285 - Journal paroissial de Saint-Guillaume- Strasbourg
Mise à jour 06/02/2008, vous pouvez regarder ce film intégralement en streaming ici  cliquez sur "ici")

Publié dans Actualités

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