« Suis-je encore croyant ? »

Publié le par l'UPL

Témoignage reçu en email. Dans le cadre d'une réflexion sur le thème développé « Suis-je encore croyant » ? au centre de formation théologique de laïcs de Lausanne.

Il y a peu, je me suis trouvée confrontée à cette question, et j’ai eu envie de mettre en mots quelques éléments de la réflexion qui s’est amorcée.
 
D’abord un constat : voilà encore une de ces questions directes qui viennent se ficher au cœur même de l’individu ! Elle nous apostrophe, nous attrape, nous convie à un « arrêt sur image » dans notre propre vie, ici et maintenant. Quels échos cette question suscite-t-elle en moi aujourd’hui, que puis-je en dire ?
Que la réponse soit de l’ordre du « oui », du « non » ou du « je n’en sais rien», il y a à entrer en dialogue – ne serait-ce que dans un dialogue intérieur avec nous- mêmes.

La question posée doit être entendue avec l’indispensable grano salis, le petit mot qui fait toute la différence : « encore » !
En effet, il n’est pas tant question ici de savoir si je ou nous sommes croyants ou non, mais si nous le sommes « encore » : ce n’est pas pareil ! Synonyme de « toujours », il sous-entend une durée, laissant entrevoir aussi le fait que nous pourrions ne plus l’être, l’être encore ou à nouveau, et donc que nos croyances au sens large du terme sont passibles de variations.

Etre croyant… ? D’emblée, c’est pointer sur quelque chose de la réalité propre de chacun : si le verbe « être » évoque l’identité et l’appartenance, « croyant » nous renvoie à une attitude intérieure, une posture existentielle : est croyant celui qui soumet, subordonne son existence toute entière à une instance qu’il reconnaît comme supérieure : autrement dit qui place sa confiance en quelque chose qui le dépasse et qui ne se laisse prouver. Dire « je crois en… » est plus qu’une attitude intérieure, c’est l’expression d’un élan vers une transcendance à laquelle je me réfère.
 
Mais là n’est pas la question. « Suis-je encore croyant ? », cela se situe à un autre niveau. En effet, je peux disserter sur ce que signifie « être croyant » comme sur un phénomène abstrait ou d’une certaine manière désincarné. C’est une formule infinitive qui n’engage personne… Or la question telle qu’elle m’est ici adressée  me contraint à m’interroger en tant que sujet, et me fait assumer un énoncé en « je ». Plus qu’un commentaire sur mes éventuels états d’âme, c’est un discours par lequel j’engage ma personne toute entière qui va s’énoncer, au travers duquel je peux - ou je dois - dévoiler et affirmer un choix de vie en lien avec une transcendance. Me dire « croyante », c’est me dire engagée dans une relation à une instance ultime. Relevons au passage que la question ne porte donc pas – du moins pas explicitement  – sur l’objet du croire, sur la transcendance dont je ou nous nous réclamons. De fait, on peut se dire croyant sans être chrétien, chrétien sans être croyant, mais aussi croyant et chrétien. 

Dans le fond, est-ce qu’on peut « ne pas être croyant » ? Je veux dire, l’existence humaine serait-elle seulement pensable sans ces références, ces appuis, ces repères qui à la fois nous échappent et nous permettent de nous structurer et d’orienter notre vie ? La transcendance peut prendre moult visages et nous tenons à propos de ce qui nous dépasse un discours fort qui engage le je qui le prononce.

Je crois en rien, au néant, au non sens ou à l’absurde de l’existence est à sa manière une façon de se situer, de s’affirmer et de s’engager comme sujet. Nier l’existence de Dieu, obéir à des valeurs  morales ou des idéaux est aussi un engagement, de même que  les divers aspects de notre réalité que nous sacralisons sans le savoir, et dans lesquels nous nous investissons sans compter : la réussite professionnelle, l’argent, un sport, que sais-je encore.

Pourtant l’objet du croire ne peut être passé totalement sous silence. D’abord parce que les expériences qui tissent notre existence sont autant d’occasions de revoir, de réajuster la manière dont nous percevons cet objet, et dont nous en rendons compte.  J’y vois donc une affaire de représentations. Pour moi, la transcendance immuable, c’est ce que je nomme Dieu. Les représentations que je m’en fais, ma façon de le penser évoluent, se modifient. L’image que, petite fille, je me faisais de Dieu n’est pas celle que je m’en suis faite comme adolescente. Cette mise à jour, pour moi s’est faite parfois tout naturellement. D’autres passages ont été plus difficiles à traverser et ont requis des choix, des renouvellements. « On constate non pas la faillite de Dieu lui-même, mais celle de notre manière de le penser, d’en parler, de le vivre » écrit André Gounelle (« Après le mort de Dieu », coll. Alethina, éd. L’Age d’Homme, Lausanne, 1974, p.23). Certes, le constat de Gounelle porte sur l’Eglise dans la société d’aujourd’hui, mais il est transposable et également pertinent sur le plan de l’individu.

« Suis-je encore croyante ? » Oui, certainement ! Je me reconnais engagée à la fois par le « je » d’un sujet parlant, par le « suis » qui m’enracine dans mon existentiel, et par le « croire » qui signifie ce mouvement vers la transcendance et qui m’oblige à vérifier la pertinence de ce que j’en comprends. Ainsi, pour moi,  l’idée de durée évoquée plus haut n’est pas tant une durée-continuité, mais une durée qui se construit au fur et à mesure des circonstances de la vie, de mes relations au monde et à Dieu, de ma manière de les penser, de me les représenter.
 
C’est une démarche exigeante que de rester en quête et en questions, c’est également une démarche risquée dans laquelle le sens de l’existence est mis en jeu.  Pour moi, il n’y a pas de vie bonne ni de croissance intérieure sans ce travail de questionnement sur ce que je perçois de Dieu, du monde et sur ce qu’on me dit de Dieu et du monde. C’est un questionnement qui me semble vital parce que relationnel, existentiel parce qu’expérientiel, et vivant tant qu’il n’est pas ligoté par des réponses définitives.
C’est un questionnement qui est porté par les mots du dialogue et de l’échange, par la parole au sujet de cette Parole qui le fonde et lui donne souffle.
Christine, 05.10.2008

Publié dans Actualités

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