Les ministères de l'église dans le Nouveau Testament

Publié le par Ernest Winstein pour l'UPL

(texte disponible également sur le site: http://unionprotlib.free.fr/)


Les ministères de l'église dans le Nouveau Testament
Par Ernest Winstein

Terminologie.
Lorsqu'on utilise le mot ministère, on parle des fonctions de responsabilité dans la conduite de la vie des communautés judéo-chrétiennes des premiers temps de l'Eglise (ou simplement "chrétiennes", vers la fin du 1er siècle).

Ministère.
Définition :
Du latin ministerium, le terme désigne le service (comme en allemand le mot Amt).
A partir de là, l'utilisation contemporaine du mot ministère appliqué à la fonction pastorale pose la question de savoir au service de qui se trouve le pasteur.


I. Les ministères dont l'église primitive a besoin

Dans les tout premiers temps, les chrétiens sont intégrés au judaïsme et participent à sa vie cultuelle.
Il est pourtant impératif pour les "adeptes" de Jésus de faire connaître (proclamer) :
- qui est Jésus ? (Prophète de l'ouverture du royaume nouveau, Christ (roi), serviteur souffrant,...)
- son enseignement (" apprenez-leur à garder ce que je vous ai prescrit ", Matthieu 28).

Si la proclamation au sujet de Jésus n'a pu être réglementée, elle était essentiellement question de foi (et donc de compréhension quant au rôle de Jésus). De là un fonctionnement plutôt anarchique des acteurs de cette proclamation que l'Eglise se mettra rapidement à canaliser (structuration des fonctions).
L'enseignement requiert des témoins sûrs. On souligne très vite l'importance de la tradition apostolique.

Au départ les chrétiens se comprennent comme le peuple d'un royaume dont l'avènement est imminent : L'église - ekklêsia - est la communauté des " appelés, des " saints ", des " élus " . "Adhérer" au Christ consiste à reconnaître que Dieu a choisi un peuple : l'élection constitue l'Eglise.

L'Eglise est d'abord un genre de "substitut" du royaume qui n'a pu être réalisé dans l'immédiat par le messie Jésus. Elle est la première manifestation du royaume " eschatologique ", projeté dans le futur.


II. Les ministères

Les "douze" n'ont pas une fonction juridique, mais ils représentent l'Eglise en tant que vrai peuple des 12 tribus. (Mt 19,28). On ne sait pratiquement rien de leurs activités.
Lorsque Paul évoque les 3 "colonnes" de Jérusalem (Pierre, Jean et Jacques) dans Galates 2 (en parlant du Concile de Jérusalem) le cercle des " douze " est déjà disloqué.
Le titre d'apôtres leur est conféré plus tard - au cours de la 3ème génération (H. von Campenhausen)

Les apôtres : Le mot grec apostolos, issu du vocabulaire marin, évoque une expédition menée par une flotte. Il est utilisé dans le sens juif d'envoyé (shaliah). L'apôtre est en quelque sorte fondé de pouvoir.
D'où les apôtres tiennent-ils leur autorité? Du fait d'avoir été chargés de mission par le Christ "élevé". Il n'existe pas d'autre "installation" dans cette fonction (Conzelmann, Grundriss, p. 63 : "Die Bindung an ihren Auftrag verknüpft ihre Autorität mit dem Kerygma").
Plus tard, les apôtres seront considérés comme les garants de l'enseignement.

Mais la diversification se sera faite entre temps :

Les anciens sont cités dans Actes 15 et 16 avec les apôtres (mais le rapprochement est le fait d'un travail rédactionnel postérieur à la situation évoquée). Ils ont la charge de la proclamation (2è épître Clément 17,35). Les 24 anciens de l'Apocalypse (4,4) rappellent les 24 catégories de prêtres du judaïsme.

Le prophète : "parle aux hommes, les édifie, les exhorte, les console" (1Cor. 14,1).

Les enseignants (cf. le terme juif de "rabbi" appliqué à Jésus par les disciples), voir e. a. Actes 13,1 ; 1 Cor. 12,28s,... Il s'agit moins d'un titre que d'une fonction.

Les évêques : Episcopos, depuis Homère, signifie le surveillant, celui qui a le regard sur..., qui prend soin de.... ; les dieux sont considérés comme créateurs et surveillants.
Les anciens d'Ephèse sont aussi appelés évêques dans Actes 20,28 (discours de Paul aux anciens) : "Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau au sein duquel le Saint-Esprit vous a établis évêques pour faire paître l'Eglise de Dieu...". Paul cite les évêques avec les diacres, mais avant eux, dans Phil 1,1.

Les diacres, serviteurs à table (Actes 6), sont pourtant aussi " proclamateurs ", il suffit de rappeler la figure d'Etienne. Paul (Colossiens 1,23, Ephésiens 3,7) les appelle d'ailleurs "diacres de l'Evangile".

Les ministères d'après Paul : Le seul verset 28 de 1 Cor. 12 en fournit toute une liste : "Dieu a établi dans l'église premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des docteurs (enseignants), ensuite, il y a des miracles, dons de guérir, secourir, gouverner, parler en langues".

Le ministère de Paul, vu par lui-même : "apporter une parole de révélation, de connaissance, de prophétie, d'enseignement" (1 Cor. 14,6). Paul et Timothée sont aussi "douloi", serviteurs, esclaves, de Jésus-Christ (Phillipiens 1,1).

Conclusion

Il n'y a pas de hiérarchie qui institue des ministères, mais un peuple élu qui s'organise et reconnaît, voire se donne, des ministères. Cette reconnaissance donne l'autorité nécessaire à ceux qui en sont chargés.

Le prêtre juif semble disparaître au profit de l'ancien. Les prophètes constituent la seule catégorie juive conservée par les églises.

Les apôtres disparaissent très vite au profit des anciens, des diacres, des évêques. Les " anciens " font fonction de prédicateurs et sans doute d'administrateurs.

Le ministère le plus proche de celui du pasteur en paroisse d'aujourd'hui semble être celui d' "ancien " dans le sens d'évêque (Actes 20,28 : "faire paître le troupeau").

D'après Paul le "gouvernement" vient en queue de liste des ministères qu'il connaît, juste avant le " parler en langue ".

Nous constatons une extrême diversité des ministères, une certaine profusion même, leur adaptation en fonction de l'évolution, de la constitution en Eglise des adeptes du Christ, des contextes culturels, leur complémentarité. Voilà un bel encouragement à ne pas nous enfermer dans des catégories qui seraient immuables mais à faire preuve de souplesse et d'imagination !

Ernest Winstein
(mars 1996 / mars 2006)



Eléments de bibliographie :
Hans Conzelmann, Grundriss der Théologie des Neuen Testaments, München, 1967. Traduction française : Théologie du Nouveau Testament, Paris et Genève, 1969.
H. Conzelmann et A. Lindemann, Guide pour l'étude du Nouveau Testament, trad. de l'allemand, Genève, 1999.
Etienne Trocmé, Quatre Evangiles, une seule foi, Paris, 2000.

 

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